Musique: LP-Halo-live
Hirondelle
Au soleil de ses lectures des heures durant
la grange l’y enferme
Le froid labouré, gelé, glisse dans les champs
La migration l’a ramenée, une fois de plus, sur un sol clément
Mais l’élégante s’en va, cette fois-ci, s’envole, désormais
Elle fend le triangle de sa forme, le déforme, le perce
l’ouvre et se fusèle
Spectaculaire déchirement de l’aquarelle tendue du ciel
Dans le panaché de ses plumes blanchâtres
elle enlève les pans arrachés des hurlements de la toile
Ils poissent comme des hommes morts, pendus par les nageoires
Elle est bientôt là, la fin de sa vie
Elle va vite, l’hirondelle
Elle croît, l’immensité
Tout devient léger désormais, aérien, enfin
Partir
Rien de plus simple
Sans souffrir, pour que cela reste hirondelle
Il y a de l’humus dans les ruses, des pavés dans les fossés
la mort dessine ses trottoirs, un festival de Champs-Elysées
Elle porte les graines, les hivers, les printemps
le poids de son âge d’oiseau de misère, de labeur
de naissances, de mariages, de fêtes
d’escapades indécemment silencieuses dans ses étables
de la nappe blanche dans l’auge à cochons
du sourire de la femme à la porte du délice
à attendre le retour de ses hommes
et le début d’une vie de joie
Fille de joie, oui, pourquoi pas
Après tout, ce serait tellement plus facile
Enfin, pour le moment l’hirondelle debout sur la poutre en bois
oubliée dans la cour du hameau vieilli, se fige
devant le pouvoir du temps qui passe et veut s’arrêter
pour moi
Une force immense et une magie superbe s’imbriquent et arrachent le
feu d’allure vive qu’il reste au mur des gens
Sans leur bruit incessant, elle peut se retirer et restituer la vie, dans un murmure
L’hirondelle se meurt sur le champ, capitule, l’aile repliée sous son corps
le regard broyé par l’oubli, elle sent la moiteur et les biches au loin
qui hument leurs petits. Elle fume la chaleur, tremble sa peur
furtivement, pour ne pas la froisser, la convier, la terroriser
L’œil tourné en son centre, vitre noire en éclat, elle attend
comme si le pire allait arriver
L’ombre de la mort protège ses progénitures, la rend maîtresse
peut-être que chevaucher la grande porte reviendra à déposer les armes
Une bonne foi et pour toutes les fois, ouvrir les persiennes
et aimer la pénombre feutrée, les après-midi de détresse
s’autoriser, un peu de faiblesse
Il est temps de se lever, bientôt je dois me filer un coup de main
Un gros
Et je suis seule à pouvoir le faire
Putain de sort qui ne me laisse pas tranquille
Quand vais-je pouvoir me reposer
me dit l’hirondelle dans le bec de mon oreille
en rendant son dernier souffle
La pionnière vient de s’en aller
Qui n’a pas peur
Elle ne faisait que passer longtemps intimement
Moi j’ai quelque chose à faire
Je viens de l’apprendre
J’étais censée m’endormir et me retirer sans nouvelles
et je pleure mon hirondelle
Tout semble toujours être sauvé par les Dieux
au moment opportun
Je fais un cœur devant mon visage comme les enfants
Je me surprends
Je suis un roman