L’instant ourlé

Juste au-dessus du pétale supérieur des lèvres

depuis l’estrade qui contemple l’infini

tout prêt, -on dirait-,

à recevoir l’eau d’une rosée

le rêve s’exprime de ses fruits mûrs.

Visage d’un premier-né expressif

allant de découvertes en découvertes

depuis l’élan de son avant-poste céleste

en miroir d’un lieu stratégique

qui mêle et démêle la spirale des circonstances

une à une, pleinement hasardeuses :

il prolonge la promiscuité d’un instant et de son précédent.

Elle, le nez fin

lui, la genèse du frisson ;

quand pince l’horizon à son réveil

ils discutent de moisson :

à la lueur du soleil dans le chas d’une aiguille d’été

la dame coiffée d’un bonnet, nage dans l’océan

là tout près en contrebas, à cinq mètres à peine

portant sa voix et sa joie ;

elle a l’air d’un tableau d’allégories.

Le regardant avec insistance

elle l’appelle : « viens ! », dit-elle.

Et il se dit : « après tout, pourquoi pas ? ».

Il n’y avait jamais pensé.

Et cette eau semble tout à coup impossible à contourner.

Lui, qui vient d’arriver sur la terrasse

à la grande porte de la chambre de son palais

que la mer fait débordement telle une piscine

debout entre les colonnes grecques

il regarde les géraniums rouges en pot

posés à même le rebord de l’épais muret blanc ;

il se demande pourquoi

il n’irait pas prendre un bain

il se demande pourquoi

il n’avait jamais vu ce palais

cette beauté

il se dit

qu’il a de la chance.

La dame semble ne pas avoir froid

emmitouflée dans le manteau de l’aube

se pourrait-il qu’il n’ait plus peur de l’eau ?

Tout à coup

le soleil de dix heures est là

avec son lot d’affairés à leurs rituels

il n’aime ni la chaleur, ni le monde.

Se pourrait-il qu’il existe un jardin secret

et qu’elle s’y baigne chaque matin

depuis son incommensurable jour

rêve de plaisir et d’éternité

immergé dans l’amour ?