Agenda Ironique Avril 2023

Je participe pour la première fois à l’Agenda Ironique dont le thème, ce mois-ci, nous est proposé par Max-Louis Marcetteau alias iotop.

Le chat.

« Si le chat représente, au-delà des symboles et des configurations vivantes qui peuvent nous être familières, un félin de petite taille constitué de toutes ses facéties, la littérature n’est pas en reste pour lui apporter du poil de la bête. Aussi aux exemples, nous pouvons pêcher quelques éléments distingués : donner sa langue au chat / Chat à neuf queues / Rue du Chat-qui-Pêche/ poisson-chat / comme chien et chat / pas un chat /… »

La composition est libre, réel ou imaginaire et dans le genre qu’il nous plaît, le tout… Ironique.

Et dont quatre mots imposés pour « faire » bonne mesure : automate, créature, usurpation, compresseur.

Et voici ma récolte :

CHAT’rmant

Il grattait à la porte, attiré par d’imperceptibles petits bruits provenant de l’intérieur, sans doute une petite souris toute en quenottes à la hardiesse de s’introduire dans sa demeure nourrissait-elle le désir de trouver sa pitance dans les recoins de sa cuisine parfaitement rangée, aux étagères bien remplies ; somme toute une souris bien renseignée. Toutefois il ne pouvait compter sur elle pour le faire entrer, apeurée qu’elle devait être, sans doute, à entendre ses griffes acérées glisser sur le carrelage cherchant à abaisser la poignée, aussi se mit-il en tête de guetter le passage d’un humain auprès de qui constituer sa demande, une quête disons…. toute féline. Vint à passer Madame qui voyant son adorable regard, s’arrêta pour le caresser, que veux-tu mon trésor, quelques caresses ? Il profita de ce lien créé affectif fictif et se mit en position de se soumettre aux caresses de la main rouleau compresseur, espérant amadouer ainsi le cœur de la maîtresse de maison. Les quatre fers en l’air, le ventre à l’offrande, il la laissa lui lustrer le poil qu’il avait long, tout en fomentant le plan qu’il se mettrait debout sur ses pattes à l’apogée de ce moment affectueux, sans manipulation aucune de sa part, et se collerait à l’angle de la porte de manière à lui faire comprendre son souhait d’entrer en la sainte cuisine toute bercée de lumière par les grandes fenêtres dominant le jardin, devant le grand chêne, à la cadence tranquille d’un entre-deux-repas, dans le calme volubile des poussières de l’après-midi, d’une clarté rutilante, chaque élément disposé à portée de main produisant quelques odeurs d’oignons et d’oranges au miroir d’un plan de travail impeccablement organisé, de pots, soucoupes et autres récipients en terre, céramiques, débordants d’aliments colorés, fumés, séchés, fruités et de quelques piments. Non, mon mignon, tu ne ferais assurément que des dégâts à aller jouer dans cet endroit, notre garde-manger réservé à notre espèce. Il l’avait sous-estimée. Désemparé par cette réaction automate, et tout bien envisagé -pourquoi ne lui accordait-elle pas la confiance après ce rapprochement inopiné et chaleureux dû à son intelligence- il réitéra donc sa demande par des miaulements de plus en plus rapprochés, lui, la créature la plus aimée de cette maison devant le chien « Usurpation », on lui refusait un accès au cellier et à toutes ses magnifiques opportunités, tandis que cette petite sotte de souris, de musaraigne, ou de mulot s’empiffrait le museau de fromage, de pain et autres desserts, tout ceci semblait bien ironique. Mais, rien n’y fit, la Dame repartit. De Maître chat, il venait de passer à Enfant-chat, et sur ses entrefaites, elle s’éloigna de quelques graciles entrechats. Comble de tout, Monsieur arriva quelques minutes plus tard avec dans son filet un poisson-chat provoquant le minet de sa moustache à la Salvador Dali, qui eut lui le droit de rentrer dans la sacro-sainte cuisine, la porte se refermant au nez et à la barbe du pauvre félin emprisonné dans son rôle de quémandeur, on se demande bien quels vilains tours lui réservait encore cette histoire. Malgré ces déboires, il ne perdit pas espoir et se réjouissait déjà du sort que Monsieur réserverait à la curieuse en suivant la trace de ses petites crottes noires. Peut-être finirait-elle également dans le filet, le bouillon du soir, ou expédiée par la fenêtre, il fallait anticiper et faire un choix pour se trouver au bon endroit. Tout à ses pensées, il attendait patiemment en essayant de deviner l’issue de la rencontre. On sifflait à l’intérieur. Monsieur semblait heureux tout à la préparation de son mets exquis, ajoutant ici un peu de vin, là quelques aromates, pendant que lui, Monsieur chat songeait à faire frire un petit rongeur. Avisant que ses différentes tentatives n’avaient pas porté leurs fruits, il se décida à s’en aller dormir ailleurs, et s’en retournait déjà vers un autre lieu, quand la porte s’ouvrit. Monsieur tenait à la main une boule de poils blanche angora magnifique avec laquelle il s’entretenait, et bien mignonne, petite maligne, te voilà bien loin de chez toi, nos voisins vont te chercher, je me demande quand et comment tu es entrée dans la cuisine, en tout cas, tu es bien plus débrouillarde que notre vieux matou (et vlan !). Il se dirigea vers la porte d’entrée, et la petite chatte voyant le jardin vert et ensoleillé, lui échappa des mains d’un bon élégant, tandis que lui, le chat aguerri, voyait non seulement s’envoler son déjeuner mais également un autre déjeuner bien plus romantique, et tout cela dans la même journée. Cependant il ne lui avait pas échappé qu’une nouvelle locataire chatoyante habitait désormais à côté, et qui avait déjà trouvé le chemin de sa cuisine…