Bridel Taverne

Fredonnant les choses, bout à bout, formant une série d’activités intérieures imperceptibles, la configuration du soir prend fin lorsque la nuit commence à chantonner à travers les fenêtres. Il est des silences qui en disent long sur les heures tardives, plus que la parole. Des lumières aussi, des ombres furtives. Il est vingt et une heures. Au présent. Tout est en place. Dans un lieu où tout est vert, ouvert, il serait fort regrettable de passer à côté. Il serait dommage de ne pas prendre ce moment. Il serait dispendieux de rater cette gratuité. L’ennuyeux serait de ne pas regarder l’ennui sous toutes ses formes. Les débris de feuilles tournent dans des nuages pluvieux. Les arbres aux yeux de pupilles, aux bulles d’or en robe d’aube, de sapin, de lune, toutes suspendues aux aiguilles, réparties en cadence, sauvent la promenade nocturne de la grisaille hivernale, quoi que, d’une température tout à fait conciliante et éclairent mes pas de guirlandes empruntées à Noël. Comme par hasard, la tenue ainsi obtenue est athée. La pluie m’a attrapée la rêverie pour y observer le clair-obscur ; pas de promesses de paradis, ni d’anges, mais des lampadaires qui trouent les rues mouillées de quelques photos prises à la dérobée sur les clichés nus des portes. J’ai pris quelques poèmes d’une heure bizarre pour les emporter dans mes pensées, attendrie, tout en haut des escaliers, par le dénivelé surgissant d’entre les maisons grises et blanches, un démon satané encourageant mes pensées bigotes. Un petit chemin comme une apostrophe en plein milieu d’une forêt, et de là, un arbre magistral retentissant alignant l’église à son front branchu, je frise l’optimisme du presque tout religieux. L’arbre attend les gamins de l’école en portant son cartable plein de sommeil. Je marche une petite demi-heure sans me décourager, dans mon manteau fourré, il ne fait pas froid, mon bonnet est à pompons, je rentre chez moi par l’ossature du quartier, à angle droit, j’ai trouvé une lampe dans un coin de mur interdit, je l’ai approchée en toute discrétion, pas de doute, c’est une luciole qui me dit d’aller au lit.